samedi 31 décembre 2016

Antitweet 99


Another self - Chez le pessimiste, on peut facilement concevoir la contradiction du non-suicide, les mots étant alors d'un grand secours pour échapper à l'extrémisme de l'action. En revanche, son désir vivace de paternité au sein de sa vallée des larmes ne se laisse pas expliquer si facilement.



Etienne Milena ©

mardi 27 décembre 2016

Antitweet 98



Les dons de surmenage et d'indisponibilité sont les premières marques de l'inactivité. On reconnaît un oisif à son planning surchargé.

Etienne Milena ©

lundi 26 décembre 2016

Antitweet 97



Dévolution chrétienne - L'absence d'inspiration s'en remet toujours à de vieilles douleurs surexposées, brandies comme des émanations de la profondeur au sein du marché aux cicatrices.



Etienne Milena ©

dimanche 18 décembre 2016

Antitweet 96


À voir tant de génies au bord du suicide, on remercie la nature de nous avoir offert le confort de nos propres limites.

Etienne Milena ©

Antitweet 95


De moi à toi, il n'y a qu'un pas, qui, une fois franchi, nous éloigne à jamais.

Etienne Milena ©

mardi 13 décembre 2016

Antitweet 94


Au supermarché - Le garçon-boucher colle des étiquettes pour les autres, imitant l'idéologue.

Etienne Milena ©

vendredi 2 décembre 2016

Antitweet 93


La meilleure conseillère demeure l'expérience, mais les hommes sont peu sensibles à la litanie de ses suggestions. Et quand ils y sont enfin sensibles, c'est le temps qui leur manque pour les appliquer.

Etienne Milena ©

jeudi 1 décembre 2016

Antitweet 92



Perdre avec fracas, pour ne pas trancher avec les promesses de l'extérieur.


Etienne Milena ©

Antitweet 91


Le lien affectif est la seule chose qui reste gravée dans la chair. Les livres ne sont rien. Toutes ces pages inertes ou galopantes ne nient d'ailleurs pas leur condition précaire, inflammable, résiduelle.

Etienne Milena ©

samedi 26 novembre 2016

La langue fourchue



La langue a un rôle dans les fonctions du goût, de la déglutition, et de la parole. Intéressons-nous à cette dernière fonction afin d'éviter les excès de la deuxième.

Youtube est une chaîne qui a le mérite de les comporter toutes, jusqu'aux télévisions turkmènes les plus censurables. On peut y trouver également des émissions radiophoniques de choix. J'ai pourtant l'impression, sans doute tronquée par mon exil, que l'on parle désormais français comme les milliers de vaches espagnoles que l'on sacrifie quotidiennement à Guijuelo. Un tour d'horizon succint me servira à aiguiser mon propos. Voici ce que j'ai d'abord pu noter chez l'ex-interlocutrice de Feu Philippe Muray, transfuge du Marché de poissons de Rungis, Élizabeth Lévi: "je ne veux pas que nos auditeurs vous mal comprennent". Je ne sais pas si l'adverbe "mal" peut ici s'antéposer ou si le verbe malcomprendre existe. C'est trop léger pour que l'on s'en offusque. D'ailleurs, je ne m'offusque de rien. Passons.

Puis vient l'interview de Nadège Polony à Mélanchon. Je pensais justement que ces deux là se mal comprenaient. Mais pas du tout. Ça rigolouille. Ça franchouillise même. On ne se tire pas dans les pattes. Loin de là. Mélanchon nous la joue même plutôt technocrate. Quoiqu'il laisse entrevoir un amour des livres "Ben, il faut aller chercher un peu dans les bouquins" puis de la vie citadine "J'aime les ville, j'ai droit j'veux dire", pour conclure par son manque d'originalité intrinsèque mais assumé : "Des gens comme moi y'en avait plein". J'ai alors cru qu'un zapping immédiat s'imposait. Je cliquai donc sur une autre émission de Madame Polony, qui recevait Pierre de Villiers, superchouan converti dans le chouinement cathodique. On remarque chez Florent de Villiers, une manie du "quoi", que les gens de ma génération ont tendance à utiliser à outrance. On lui pardonnera. Puis le même politique avoue à sa Poloniaise préférée que ses confrères "ils ont préféré la sphère du mondialisme que l'intérêt supérieur de la France et des français." Ils ont donc préféré le libéralisme que la tradition.

Je note dans les reportages deux anglicismes fréquents. L'un, acceptable et rigolo. L'autre incorrect. Prenons la phrase : "Elle était très excitée par ce nouveau challenge". En anglais "excited" renvoie à l'exaltation, la jubilation, l'équivalent du phrasal verb "to look forward" (avoir hâte de) alors qu'en français l'aspect hormonal de la sensation n'est pas négligeable et donne une tournure quelque peu pornographique au propos. Truffaut utilise par exemple l'adjectif dans une scène merveilleuse de l'Amour Conjugal où Léaud fait semblant de lire un article totalement inventé à sa femme où il est question d'une "call-girl excitée".

Les anglicismes en français sont presque toujours incorrects, contrairement à leur usage dans le français québécois ("game" "weird" "to check" etc.) Un verbe anglais comme "to support" trouve un équivalent abusif avec "supporter". Pour soutenir l'OM qui est si nul, on peut à la rigueur supporter cette équipe. Mais soutenir nous permet de ne pas trahir le sens original et soutient mieux la comparaison.

Nul doute que nous ne dirons bientôt plus "je me suis senti à l'aise" mais, "je me suis senti confortable".


Le débat de la primaire a également offert son lot d'irrégularités lexicales et grammaticales. Fillon: "Moi c'que j'veux"... et une tournure anglo-américaine juvéniste "C'est juste pas acceptable (ici un "quoi" devillien aurait fait un bel effet), "Ce deuxième tour, c'est pas un combat". Juppé: "Faut y aller à fond!" "Droit dans mes bottes je suis, droit dans mes bottes je resterai!" "Avec vous c'est la super pêche!". Du côté de Juppé, le message visait l'adhésion des jeunes. Chez Fillon, le Malparlé ciblait davantage les campagnards syndiqués amateurs de Beaujolais.

Les spin-doctors ont retenu les leçons d'Outre-Atlantique, où un gueulard rougeot a su séduire la plouquerie collective en sachant fourcher sa langue par écrans interposés. En un mot, inutile de jouer aux bécasses subjuguées par une telle élection, quand celle qui se prépare en terre française laisse (déjà) un goût d'inachevé.

samedi 19 novembre 2016

Antitweet 90


Des personnalités trop différentes cohabiteront toujours avec peine dans un même immeuble et sans aucun problème dans un même individu.

Etienne Milena ©

lundi 7 novembre 2016

Antitweet 89


À la décharge de ses éleveurs, la haine est une chienne possessive et fidèle, toujours prête à rendre la pareille.

Etienne Milena ©

jeudi 3 novembre 2016

Les rencontres des jours



Ngugi Wa Thiong'o


Il est très difficile de dire ce qui fait la qualité d'un livre. Pour ma part, j'y associe une sensation de force magnétique qui exprime une nécessité intérieure. Parfois, la maîtrise totale sert de rempart à cette force toujours contenue. Le livre est alors un pur produit de rhétorique, de silhouettes stagnantes. La semaine dernière, j'ai ouvert un ouvrage de Renaud Camus dont le titre comportait le mot "larmes": l'auteur a beau maîtriser sa langue, l'onde de choc ne se produit jamais. Cela sent la commande, jusque dans les épigraphes, qui auraient pu être placés dans un tout autre ordre, sans que la cohérence (ou l'incohérence snobinarde) du propos n'en fût affectée. J'ai alors éprouvé la sensation de me trouver devant les châssis détruits d'Angela de la Cruz, cet art conceptuel froid et vide de sens où seuls les petits fours du vernissage le précédant ont encore un peu de consistance à offrir.

Depuis une semaine, je me plonge dans l'oeuvre de Ngugi Wa Thiong'o. Happé. C. ma conjointe, me demande parfois de le lire à haute voix, émerveillée par cet enchevêtrement de contes tristes ou d'une ironie mordante. C'est la force de la nécessité qui dicte cette prose, celle d'un auteur proscrit, exilé et condamné dans son Kenya natal, qui a emprunté la langue des colons (anglais) pour la décoloniser, la kikuyiser (sa langue est le kĩkũyũ , parlée par cinq millions de personnes et dont use Wa Thiong'o dans quelques livres). 

Une oeuvre d'imagination peut donner lieu à de vulgaires scenarii de films. Un mauvais livre est avant tout transférable à l'écran. Mais quand elle est si maîtrisée, si nécessaire, l'oeuvre d'imagination nous fait entrer dans une réalité plus profonde, hors du temps et de la contingence. C'est le cas de Wizzard of the Crow, chef-d'oeuvre de 700 pages pas encore traduites au français qui traite du Royaume fictif de Aburiria, de son monarque mégalomane et de sa population ensorcellée.

Je pense à Wa Thiong'o, puis j'ouvre un volume du Journal de Roy, comme à mon habitude ces dernières semaines. Voici ce que je lis:

"Les racines de la poésie
Le Haut-Bout, juillet 1993

La poésie, pour beaucoup, est un luxe gratuit, un ornement inutile du langage. Ce n'est pas l'avis des savants qui se sont mis à l'écoute des enfants en attente de naître. Boris Cyrulnik, par exemple, utilise l'échographie, le magnétophone et le contrôle par vidéo pour observer avant la naissance les relations de l'enfant avec le langage, et notamment avec le langage "réglé" de ce qui est une sorte d'"anté-poésie". "Le bébé accélère son coeur lorsque sa mère chante une comptine, constate Cyrulnik. Quand la mère parle, le bébé cligne des paupières, change de posture et se met à sucer son pouce ou son cordon ombilical (...) Il répond à l''intonation de la voix, à l'accent tonique, à la prosodie, au contour musical de la phrase." Les analyses ultra-utérines de B. Cyrulnik sont prolongées après la naissance par celles de Jean Molino. Molino montre comment les vocalisations spontanées du petit enfant, chantées et rythmées, sont l'ébauche des figures poétiques - assonances, rimes, allitérations, schémas répétitifs. "Ces variations, écrit Jean Molino, constituent une part importante de la poésie sous ses formes les plus frustes."

Que la poésie ne se limite pas à ces jeux verbaux, à ces acrobaties de langage, Jean Molino le rappelle en soulignant la constante, dans les civilisations les plus diverses, d'un sentiment propre à certaines formes de la poésie, d'un ravissement émotif irréductible - enthousiasme platonicien, aware des japonais, yelema des Kaluli de Nouvelle Guinee, amarg des Chlenho. Au passage, Molino exécute avec une ironie salubre les Trissotins de l'intertextualité, qui nient que la poésie ait le moindre rapport avec la vie, les êtres, les choses. Un pion nommé Raffaterre pourfend ainsi ce qu'il appelle "l'illusion référentielle". "La référentialité effective, écrit notre charabieur, n'est jamais pertinente à la signifiante poétique (...) Le texte est autosuffisant. S'il y a référence externe ce n'est pas au réel, loin de là. Il n'y a de référence externe qu'à d'autres textes."
Pour ces pitres du commentaire vain, croire que les écrivains se nourrissent de la vie, de l'Histoire du réel, est simplement une "illusion référentielle". "Le point d'aboutissement de la critique, écrit Jean Molino, est alors le refus définitif de l'existence." Mais déjà, dans le ventre de sa mère, le futur petit d'homme qui prend plaisir au rythme et à la musique des mots sait que ce n'est pas vrai. Si on lui disait que la voix de sa mère n'est qu'une "illusion référentielle", il ne le croirait pas. Et il aurait raison."

(Claude Roy, Les rencontres de jours, 1992-1993, p. 298)

mardi 1 novembre 2016

Avec Truffaut






"J'ai horreur des dragueurs, je trouve ça lamentable!"

Charles Donner (Bertrand Morane) dans L'homme qui aimait les femmes (1977)

dimanche 30 octobre 2016

Antitweet 88


Réseau social - Il fut un temps où la police singeait l'intelligence de l'amitié. Désormais, c'est l'amitié qui singe l'intelligence de la police.

Etienne Milena ©

Antitweet 87


Se méfier du politique qui cache l'homme. Mais se méfier davantage de l'homme que cache le politique.


Etienne Milena ©

jeudi 27 octobre 2016

CQFD




"On reconnaît un touriste à sa façon de se plaindre du trop grand nombre de touristes."

Claude Roy

mardi 18 octobre 2016

Antitweet 86


La rumination a besoin d'une remarque désobligeante pour continuer d'accaparer l'attention individuelle, le désir créatif ne se démarquant pas d'un besoin de vengeance parfois à court de combustible. Toute proportion gardée, une mauvaise blague ou une remarque vacharde font plus d'effet sur l'individu qu'une attaque terroriste sur la population, car dans le cas de la collectivité, le désordre qui s'ensuit est un trompe-l'oeil: le corps social, dicté par l'instinct, se récompose en peu de temps. Dans le cas de l'individu, il en est tout autrement:  l'identité est manoeuvrée par la réputation, d'où la crise prolongée qui suit lorsque celle-ci est (même furtivement) mise à mal.


Etienne Milena ©

samedi 15 octobre 2016

Le dernier climenole

Claude Roy

"Ces dernières années un mal étrange frappe les quelque 800 habitants
 de Kalachi dans la région d'Akmola, au nord du Kazakhstan. Depuis 
2012, au moins 160 villageois ont été affectés par une mystérieuse 
épidémie d'endormissement. Les victimes tombent inconscientes, 
généralement de manière brutale, et se réveillent quelques heures,
voire quelques jours plus tard avec ce qui ressemble à une véritable
gueule de bois: trous de mémoire, vertiges, maux de tête et même
des hallucinations. Chez certains hommes, le réveil peut s'accompa-
gner d'une montée violente du désir sexuel.

(Romain David, Le Figaro, le 22 juillet 2015)



  Ce "mal étrange" s'est étendu à quelques centaines de millions de personnes désormais entièrement dévouées aux écrans de leurs smartphones, contribuant par leurs clics à nourrir le Marché Global qui n'en demandait pas tant. Il ne s'agit plus de produire, mais de passer sa vie devant les écrans pour mourir sous un flot publicitaire. Toutes ces photos veulent consolider notre foi en une présence: "j'étais là, je m'y trouvais!", "Ça on l'a fait l'année dernière!" Mais si vous avez stocké une telle quantité d'images, de selfies, d'auberges champêtres, de campagnards et de vaches, laissez-moi douter un peu de votre "présence" en ces lieux... les photos prouvent le contraire.

   L'existence est devenue un spot rallongé. Heureusement, certaines lectures, permettent à l'esprit de revenir à ce que l'on pourrait encore appeler la réalité, si on avait le courage des grands mots. Je pense actuellement à l'un de ces "climenoles" qui me servent à faire front (pour les incultes bestiaux qui s'aventureraient sur ce site, un "climenole" est le nom donné par Swift aux sonneurs de l'île de Laputa, dont la tâche est de réveiller les savants empêtrés dans d'incessants calculs...).

   Oui, Claude Roy apporte ces soufflets si nécessaires, avant que vous ne basculiez définitivement dans la folie... C.R. était un revenant. Ami de jeunesse de François Mitterand, Camusot du roi puis résistant et communiste, il a su se défaire de toute idéologie conservatrice ou progressiste, qui mènent l'une et l'autre au ronflement, partant vers d'autres horizons, non pour entamer une série de voyages (ne l'insultons pas!) mais pour confronter son moi à d'autres façons d'envisager la vie: le Japon, l'Angleterre etc. servirent de cadre à cette échappée spirituelle si peu commune.

   Claude Roy est un diariste sans équivalents au sein des années 80... Enfin, son Journal tient beaucoup des Mémoires. Lorsque je veux en savoir davantage sur la première moitié du siècle, ce sont les Voix dans la Nuit de Prokosch que je relis. Pour cette période, ce sont les haïkus de Roy et ses souvenirs de rencontres. 

  Les membres de ma famille, dubitatifs et étonnés, m'ont souvent posé la question du lien indubitable que nouaient les élites françaises des deux décennies antérieures avec la figure de Mao. Avec la Fleur du temps, ouvrage merveilleux d'un poète déniaisé, j'ai enfin eu des éléments de réponse. Comme lorsque Roy nous parle de Sartre, aimant à la folie le goût du sang... 

"Au carrefour Raspail-Montparnasse, (il) appelait à faire couler le sang avec le même enthousiasme":

"Un régime révolutionnaire doit se débarrasser d'un certain nombre d'individus qui le menaçent et je ne vois pas d'autre moyen que la mort. On peut toujours sortir d'une prison. Les révolutionnaires de 1793 n'ont probablement pas assez tué."
(Actuels, nº28, février 1973)

"L'écrivain sait que les mots, comme dit Brice Parain, sont des "pistolets chargés". S'il parle, il tire. Il peut se taire, mais puisqu'il a choisi de tirer, il faut que ce soit comme un homme, en visant des cibles."
(Qu'est-ce-que la littérature?)

"En un premier temps de la révolte, il faut tirer: abattre un Européen c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé: restent un homme mort et un homme libre"(...) "À défaut d'autres armes, la patience du couteau suffira."
(Préface aux Damnés de la terre, de F. Fanon)

Les portraits de Lao She, de Chalamov, de Kundera, ne disent pas autre chose. C'est la tristesse qui illustre ces idées dictées depuis la pulsion de mort, depuis la pulsion d'amour.

Roy, à l'inverse de l'époque qu'il décrit (cf. sa splendide description des sémioticiens et des professeurs) porte en lui un penchant lumineux pour les laissés-pour-compte habitants d'autres sphères que celles du confort mondain. Sa défense des animaux ne cherche pas la conciliation de ces intellectuels qui, à force de ne pas vouloir paraître stupides, finissent par le devenir tout à fait. L'ironie de ses Minimes n'exprime pas la facilité de la malveillance, laquelle en dit plus long sur celui qui la profère que sur la cible des quolibets. J'ai eu l'occasion il y a peu d'en donner un exemple. En voici d'autres:

"Vivre de l'air du temps est en effet un régime pauvre en protéïnes. Il faut vivre de l'air de plusieurs temps pour se porter bien."

"Ces grands penseurs politiques, prophètes, qui à force de prévoir, ne voient plus rien."

"Il ne se contredit pas suffisamment pour être intéressant."

"Certaines personnes sont peu sensibles à la poésie: elles se consacrent à l'enseigner." (Phrase de Borgès que Roy cite dans son livre)

"L'Histoire: ce qui se passe entre le Bang et la Bombe."

"On n'est pas parvenu à faire penser un ordinateur comme un homme, mais on a parfaitement réussi à faire penser un homme comme un ordinateur."

E.M.


mardi 11 octobre 2016

Antitweet 85


Scepticisme larvaire - Lire le détail du menu depuis des décennies, quand les autres en sont au dessert.


Etienne Milena ©

Antitweet 84

À l'heure des bilans, les poètes et les amoureux transis finissent aussi par réclamer leur part de chaises et d'argenterie.


Etienne Milena ©

Minime



Claude Roy

"Ce qui est exact, c'est qu'il faut se méfier d'une vérité qu'on posséderait comme on possède une clé anglaise, d'une vérité véritable, immuable, immobile et atteinte une fois pour toutes. Le mathématicien  André Lichnerowicz ne conçoit que des "espaces de vérités approchées". De la relation d'incertitude de Heisenberg en physique au théorème d'incomplétude de Gödel en mathématique, et à "l'effet Hawthorne" en psychologie (le comportement d'un sujet informé qu'il est soumis à une expérience est modifié par sa connaissance), tout converge vers la conclusion d'Ilya Prigogine : "Le problème de la vérité doit partir du fait que notre rapport au réel contient un élément essentiel de construction."

Claude Roy, La Fleur du temps, Journal 1983-1987


"Lo cierto es que hay que desconfiar de una verdad que tendríamos en manos como una llave inglesa: una verdad verdadera, inmóvil, inmutable y alcanzada definitivamente. El matemático André Lichnerowicz la concibe más bien como : "unos espacios de verdades cercanas". Desde la relación de incertidumbre de Heisenberg en física hasta el teorema de in-completud de Gödel en matemática, pasando por el "efecto Hawthorne" en psicología (el comportamiento de una persona que esta informada que esta sometida a una experiencia, está modificado por su conocimiento), todo converge hacía la conclusión de Ilya Prigogine: "El problema de la verdad parte del hecho que nuestra relación a la realidad tiene un componente esencial de construcción ." Claude Roy, La Flor del tiempo, Diario 1983-1987

samedi 8 octobre 2016

Le temps des livres





   Le simulacre de temps passé sur la toile rétrécit la réalité, au point qu'une journée face aux écrans peut donner à l'esprit la sensation d'avoir vécu une heure. Les images défilent, les mots défilent, et ce magma vide ne laisse que peu de traces. Tout s'évapore dans l'instantanéïté des clics. Le défilé mécanique entraîne un aplanissement des émotions. Le temps est un temps global et sans pause d'aucune sorte. La nuit et le jour fusionnent dans une clarté froide et stérile. Et l'absence est sans cesse ajournée à travers le plein et la saturation des images.

   Quand je me pose devant un livre, l'expérience du temps est toute différente. Si je n'étais pas si méfiant des oppositions binaires, je parlerais même de temps contraire au temps des clics. Avec son papier écorné ou fraîchement sorti de l'imprimerie, le livre atteint la peau de chacun. Le lecteur s'empare du livre, l'ouvre et le tord. Puis, le livre lui raconte des choses, à lui et à nulle autre personne. L'écrit est exposé au privilège d'un regard, auquel il se confie. C'est une sensation d'étirement du temps qui gagne le lecteur. Les heures passent enfin en ayant des choses à dire, y compris quand le livre est remis sur l'étagère. Les phrases continuent de fleurir sur le monde qui nous entoure, à la cadence d'une réalité retrouvée.


E.M.

mardi 4 octobre 2016

Antitweet 83


Un hymne et un drapeau au vent : la fin de toutes les balourdises, de toutes les philosophies défroquées.

Etienne Milena ©

jeudi 29 septembre 2016

Éloge de la fuite





« […] Quelle abomination pour moi que ces soirées, par bonheur comptées, au cours desquelles on effleure entre inconnus maints sujets n’ayant pour quiconque de véritable attrait que celui de s’entendre parler, de tenir sa partition dans le concert rapidement aussi ennuyeux qu’il se peut ; et Dieu sait que lorsque se présentent de telles situations, j’y tiens la mienne de la façon la plus lamentable, empêché de toute sincérité, de tout élan devant l’indifférence générale présidant à ce genre de rencontres, au reste la plupart du temps fortuites. Combien parfois n’ai-je pas rêvé de faire un esclandre, de déclarer bravement à ces mollusques qui m’entouraient que leur compagnie était pour moi sans intérêt, ni à eux la mienne, et qu’en conséquence mieux valait nous séparer sur le champ ; mais la courtoisie, il va de soi, me retenait. Chacun consent donc à être inférieur à lui-même avec engourdissement, jusqu’à ce que quelqu’un ait enfin l’esprit de lever le camp, ce à quoi tout le monde s’empresse sans rechigner. Se trouverait-on dans ces séances face à un génie qu’il nous semblerait plat comme un guichetier ou que nous ne douterions pas même de sa présence. Il n’y a d’entretien d’un peu de sens et de profondeur que dans le tête-à-tête. Le tiers vient toujours en amenuisement. »


(Louis Calaferte, Etapes, Carnets VII, 1983)

mardi 27 septembre 2016

Cabezazo



J'ai peur d'avoir vécu ma vie comme s'il se fût agi d'un simulacre. Comme si j'avais eu le don de vivre pour moi-même deux fois.

(Rafael Berrio, Simulacre)

Antitweet 82

L'admiration pourrie par l'exagération religieuse : incitation à la non-lecture de l'âme et des livres qui en découlent.

Etienne Milena ©

Antitweet 81


L'avantage à fréquenter des gens intelligents, est de n'avoir pas à s'excuser toute la journée.

Etienne Milena ©

samedi 24 septembre 2016

Telefagía



    Bueno, escribiendo en español puedo llegar a la gente que más me interesa, o por lo menos que más respeto. Esta vez, los hispanohablantes se sentirán privilegiados. Hombre, tampoco será un privilegio del todo. Nada trepidante a la vista. Pero alejar algunos tontos de remate me permite pensar que elijo bien al idioma que uso (hubiera podido ser otros, salvo el japonés y el calo). Digo y repito. Mi público de hoy será hispanohablante, aunque fuera su segundo, tercer idioma. Los hay que apenas tienen el suyo. Que escriben con los pies y que comunican con gruñidos. Que ofenden a la gente que admiran más que a sus propios enemigos. Por eso les cierro la puerta y me concentro en los lectores directos del idioma de Cervantes.

   Este mes de septiembre ha sido más cinematográfico que literario. 

    El técnico de Vodafone nos había dicho "con 500 cadenas, ya veréis, es una pasada. Mis niños están delante de los dibujos animados cada mañana!" Pues, salvo por los dibujos animados, el señor tenía razón.

     En la pantalla LD comprada por mi Dulcinea, hemos empezado a ver programas de la televisión rusa, polaca y francesa. Reconozco que digo "nosotros" pero que sería más conveniente decir "yo", porque, hay que decirlo: me he viciado.

   Empezamos con Fort Boyard en TV5 Monde. J. me ha dicho que los enanos le sonaban algo. Es posible que hayan fabricado una versión española de este programa hace unos años, le dije. La muchacha se recordará de ellos por eso. En fin, bien es cierto que los enanos de "Fort Boyard" no cambian. El aire de la Vendée les conserva bien. La Boule, el guardia obeso del faro, si que murió hace unos años. Lo había leído en Le monde. El padre Fourras, en cambio, me parece una copia del anterior. No se han currado mucho su mascara. Da miedo.

   Vimos el cómico Bigarre con su nueva novia. Bien guapa, la novia. Rubia, con una talla bien marcada. Bigarre tampoco ha cambiado mucho. Le vimos caer delante de Pascal Olmeta, un antiguo portero de fútbol cachas y malote que trabaja en el programa, aunque su papel no me pareció bien definido. También vimos a Bigarre dar canastas con un enorme balón de baloncesto. Llevaba unas gafas que le daban un aire de moscardón.

   He visto muchos programas este mes. Al final he leído muy poco: solo unos capítulos del Otoño de la Edad Media de Huizinga y algunos artículos sobre Wilde.

   RT es una cadena rusa que constituye quizás un contrapunto a CNN y a las cadenas propagandistas de la OTAN. Es interesante tener las opiniones de Keizer en Keiser Report, sobre la economía global. 

   Podría añadir también la cadena polaca, que suelo ver, pero me volvería ñoño y pesado. El polaco despierta en mí algo de nostalgia, cosa que no me pasa nunca. Por ejemplo cuando pienso en el instituto, no siento la más mínima nostalgia. En el polaco si. Hay una época de que me hubiera sentido muy nostálgico, si hubiera participado en ella. Los años 70. Yo creo que los años 70 son unos años que han sido creados por Dios por justificar la palabra "nostalgia". Los franceses son muy nostálgicos. Yo, si pienso en el final de los noventa, rodeado de pequeños consumistas y niños de papa... ¿Como ser nostálgico de un lugar donde no he estado, de una época que no es la mía?

   Ahora intento reducir mis horas de tele. Son pocas, (dos o tres) pero quería reducirlas al estricto mínimo. Escuchar, en vez de France 24 en inglés, al amigo Rafael Berrio, gran lector de Cioran y de Galdos. Leer también mi Parte maldita de Bataille en francés. Y sobre todo El sueño en el pabellón rojo. Volver a leer Sade. Fundamental. Menos tele y más lecturas sanas.


    ¡Que desfase! Se trataría, una vez más, de buscar una coherencia a todo eso. ¡Pues que se encarguen de eso los lectores, y que no me toquen las narices, consejo de amigo!

lundi 29 août 2016

Chaos brillant





Quel plaisir que d'ouvrir enfin mon Chaos brûlant ! Cet O.L.N.I (objet littéraire non identifié, même par la sagacité des lecteurs les plus avertis) de 403 pages n'en a pas fini de faire couler l'encre des admirateurs et des jaloux.

Son auteur est le grand Stéphane Zagdanski. Je le recommande à chaque francophone avide de connaître ce qui se fait de mieux dans notre pays, littérairement parlant. 

S.Z., créateur érudit zozotant avec passion dans son atelier de peintre et d'études talmudiques, peignant sur de magnifiques indigènes nues comme jadis Yves Klein barbouillant ses modèles, fascine les internautes. Le physique de notre auteur fait immanquablement penser à un croisement de Roman Polanski et d'Henri Guybet, avec quelques traits de Daniel Ceccaldi, le père de la Christine des films de Truffaut. La physiognomonie nous donne le profil d'un type doux à la Tati, observateur et méditatif, qui ne délaisse pas les joies de la chair avant d'écrire. Une certaine composante narcissique se dégage de ce regard, mais elle est propre aux écrivains et quand elle est justifiée par la présence du talent, on la pardonne volontiers.

Essayons d'esquisser une table de comparaison pour nous orienter dans ces remarquables feuillets. Chaos brûlant est à la fois:

- une Maison des feuilles française relatant les aléas de l'économie mondiale.

- une histoire littéraire de d'argent (mais plus romanesque que celle de César Rendueles, cet illustre inconnu en sol français)

- un musée d'excentricités décadentes

- une "Encyclopédie critique en farce" (expression de Flaubert qui qualifiait ainsi son Bouvard et Pécuchet)

- un comic-romance farfelu à la Fielding

- un humoreszk hongrois propre au style du merveilleux Frygies Karinthy

- un roman picaresque politique et cybernétique pour "alter-dingos"

- une fresque post-exotique volodinienne

- un biopic fragmenté

- un entremêlement de langues (jusqu'à l'inuit y est pris en considération sur une liste de trois pages) et de voix, sans formalisme facile.

En un mot, Chaos brûlant est un magma d'érudition et de langage foisonnant, incontournable en nos temps de disette intellectuelle à la sauce Twittbook. 

Il s'agit aussi, et on l'oublierait presque, du compte-rendu poilant de l'affaire DSK, en un style à la fois classique et joliment pamphlétaire, qui sert de prétexte à une virée au sein de notre modernité. Les portraits au vitriol de Chouchou Sarkozy (mais quel con!) ou du propre DSK par des chamanes agités du bocal valent le détour. On y apprend surtout quantité de choses, du marketing de Bernays à la rencontre de Daguerre et de Morse. Ce livre enseigne et renseigne.

C'est pour cela qu'on l'étudiera bientôt, n'en doutons pas, dans les collèges et les Alliances françaises, puisque les facultés, emplies de sinitrose rébarbative, ne font plus le boulot.

Les quelques bémols que j'offrirais (une petite allusion tautologique à l'effarante médiocrité de Bush, la rencontre de Picasso et d'Anne Saint-Clair et l'analyse poussive qui en découle) sont bien peu de choses pour ternir une oeuvre remarquable.


Ce roman possède enfin un intérêt majeur en ce qu'il préfigure l'étape pictographique de Zagdanski : ce projet-là, l'ultime, il l'a appelé Rare, du latin rarus, disséminé. Un livre écrit en anglais sur la face du monde entier, fragmenté en de multiples brisures, à l'image de notre époque, qui ne tient pas dans une seule définition, dans un seul concept précaire. Je fis référence il y a quelques mois à cette oeuvre révolutionnaire, dont les pages sont distribuées sur les diverses faces du globe en différents supports, et qui méritent l'attention de chacun.


(sur ce lien, le site de Stéphane Zagdanski)

Etienne Milena, Cadiz, le 29 août 2016



Les burkinuls






Le burkini sur les plages pose des problèmes à l’Hexagone. Pendant que leurs voisins italiens comptent leurs morts par centaines, après le séisme d’Alatrice, les Français en restent une nouvelle fois à des affaires de fringues. La conclusion est la suivante: il est impossible de se dorer la pilule sous les auspices d’Allah en toute impunité. On se taxe de fachos ou de progressistes délirants entre voisins, à la moindre incartade des uns et des autres. Bref, sale ambiance en perspective... Il ne manquerait plus que des familles entières de Roms ou de réfugiés kosovars s'agitent entre les hordes de touristes et le tour sera joué pour vous plomber les vacances. Ou encore que la mignonne Nadège Vallem-Benkaso sorte de son ministère en burqa sous les huées des badauds.

Sur le sable fin et les galets, les estivants s'ennuient à en crever, c'est le fond du problème. Les sudokus et les blagues potaches ont fait leur temps. Et les mioches, même sous un soleil de plomb, ne se calment pas. Que faire face à cette considérable masse d'eau stagnante, cette gigantesque flaque à voiliers s'étendant sur un horizon immaculé qui fit dire à Fellini qu'il lui préférerait même une version en carton-pâte ?

Homme libre, longtemps tu chercheras quoi faire devant la mer... Et l’hystérie qui naîtra de ta morbidité affective augmentera sans doute avec les arrêtés préfectoraux.

Un problème qui, sauf votre respect, n'en est pas un

Il convient d'abord de rappeler certains faits: d’une part, il n’est nullement fait mention au burkini dans le Coran ni dans les haddiths. Les salafistes, quand ils sont intéressés par le fait religieux (ce n'est pas gagné...) plus que par le dernier navet de Chuck Norris, prônent plutôt la claustration de leurs femelles reproductrices dans leur F3 de banlieue, dans des tâches de confexion de couscous et autres exercices quotidiens qui servent davantage leurs combats qu’une combinaison de plongée sous-marine vaguement mystique. « C’est symbolique, c’est symbolique! » entend-on sur les forums. Un Macdonald’s planté au sein des centres historiques est-il moins symbolique, de même qu'une rue jadis médiévale transformée en conglomérat de drugstores et de boutiques de lingerie fine ?

Du reste, le Dieu des strings, l'espagnol Amancio Ortega, première fortune au monde, a bien raison de profiter de l'argent et des lubies de ces belles dames. Qui n'en ferait autant? Vive la libéralisation par le tissu ! C'était déjà le cas dans les temps renacentistes, quand les Pays Bas bourguignons puis les Anglais jouissaient d'un véritable monopole en la matière. Et ce n'était pas un mal... Quel spectable équivaudrait à la contemplation des ourlets des toiles de Van Eyck, de ses soies brillantes, de la sensualité de ses drapperies aux motifs infinis? Sans ce commerce, nulle Renaissance artistique flamande n'aurait fleuri. C'est plus tard que le bas a blessé! Stockings bless you, en mauvais anglais! L'industrie du textile est devenue la plus polluante de l'Histoire, déversant scrupuleusement, en guise d'offrande coloniale, ses colorants et produits chimiques dans des égoûts délocalisés. Les rivières sont devenues phosphorescentes comme les veines d'un junkie en fin de parcours. L'industrie en question fut également le moteur de la traite négrière, car la culture du coton et de l'indigo, qui donna sa couleur au blue jeans, nécessita une main-d'oeuvre gratuite à grande échelle et tout un charivari transatlantique sous la forme du commerce triangulaire.

Non, si cet uniforme anti-UV teinté de religiosité pose problème, c'est qu'il n'aurait pas reçu l'aval de la multitude et de ses représentants. À quand un référendum sur la question? On en est dans de sales, de draps... mais ne filons plus de métaphore et retournons-en à notre analyse.

Cette antiburkomanie pâlote est d'abord une affaire politique, soit. Dire que la gauche se soumet à une quelconque chariah est pourtant un contresens. D'abord, je l'ai dit, parce que ce burkini est une mixture nouvelle, un objet-valise post-moderne de plus à mettre dans l'escarcelle des nouvelles Mythologies. D'autres combinaisons communautaristes sont d'ailleurs à prévoir comme le Coca Cohalal, le Red-Bouddha, le Burger-Yi-King, le chocolat Milkacher, ou encore l'Évangélatine, pour pâtisseries new-borns méthodistes, équivalent du space-cake des hyppies. La Redoute veut continuer de vendre ses frusques aux musulmans, voila tout.

Comme le sus-dit catalogue, le PS propose son tissu idéologique aux chalands adeptes d'Allah. Tactique du rameutement propre au racolage électoral, à la logique imprésariale, utilisée dans toute grande corporation qui se respecte. Le procès peut être fait dans l'autre sens puisque leurs opposants misent sur le vote des français de souche lepenisés, prêts à lapider le premier barbu sorti du minaret si les ordres leur en étaient donnés, et à crier avec les Corses extrêmistes : "Arabi Fori!", comme au temps-jadis où il était de bon ton de casser du bicot dans une optique de rasainissement social.

Parler de politique, c'est décidément tomber bien bas.

Pour des raisons esthétiques, je déplore que des femmes, parfois superbes, puissent être burkinisées contre leur gré. Passons pour les boudins et les poilues qui ont le temps de se convertir à l'hédonisme des foules. Il faudrait défendre en tout cas celles qui sont empêchées de sortir de chez elles par des maris fanatiques... Enfermer ces derniers dans des fabriques de soutiens-gorges au Bengladesh, au sein du grand califat d'Inditex, telle serait l'une des solutions à privilégier. Et en fait de contraventions, si les pervenches sont lâchées en vue d'une récolte de fonds publics (avec les burkinis, on n'irait pas loin...), il faudrait appliquer ces mêmes procédures aux bonnes soeurs, aux hommes-grenouilles, ou encore aux kowietiennes sortant des palaces de la Côte d'azur, dont l'unique passe-droit est la carte de débit des fortunes de leurs époux, lesquels, visiblement, ne suscitent qu'un faible intérêt chez les flics et les diplomates de ce bon pays.



Etienne Milena, le 28 août 2016

lundi 22 août 2016

Antitweet 80



Souvent, les auteurs parlent mieux de ce qu'ils ignorent en partie. La maîtrise approfondie d'un sujet ennuie. Les limites assumées de notre propre perception sont plus utiles à l'éloquence que les limites du ressassement des formules et des mêmes pans de pensée, lesquels reposent d'ailleurs sur une erreur. Personne, en effet, ne maîtrise assez un sujet pour pouvoir prétendre en être l'unique dépositaire.

Etienne Milena ©

Antitweet 79


La mort, cette victoire de la forme sur le fond.

Etienne Milena ©

mercredi 3 août 2016

D'Adolf Hitler à Moussa Sissoko




Dans trois jours débutent les Jeux. Homo ludens sera en folie. La torche arrivera à destination prochainement. Ce relais flamboyant entre coureurs issus de diverses contrées est l'invention d'Hitler, ce grand admirateur de Sparte. La tradition, bien accueillie par Coubertin, a perduré, au-delà des Jeux Olympiques de Berlin. Ces derniers furent d'abord défendus par Goebbels, car Hitler les envisageait comme une orgie judéo-nègre de plus. Mais le propagandiste ne tarda pas à convaincre le Führer de cette opportunité d'enseigner au monde la supériorité des Aryens. On sait ce qu'il en fut, de l'élégance des foulées de Jessie Owens (traité comme le dernier des criminels par les États-Unis à son retour) à la victoire de la juive hongroise Ibolya Csák. Dans ta gueule Moustache! On ne refait pas l'Histoire.

B. me parle souvent de sa sensation de vivre dans un pays fasciste, lorsqu'il allume sa télévision et passe cinq chaînes retransmettant des parties de football. Je ne peux pas lui donner tort. L'émergence des nazis doit beaucoup au sport. LTI, la langue de l'Empire, parle par exemple de la constante comparaison faite par les nazis avec les coureurs automobiles. Aujourd'hui encore, l'absence de jugement au sein des masses, leur adhésion à de nouveaux plans de manipulation, est garantie par le spectacle des stades, des chorégraphies entre supporters, ces pendants grégaires des rixes et des mises-à-mort entre hooligans.

Abellio descrivait le football comme "un sport d'automates", au contraire du rugby, qu'il pratiquait. Je remarque que les nations historiquement les plus fortes en football, sont en effet des anciennes dictatures. L'Italie, l'Espagne, le Brésil, l'Allemagne, l'Argentine sont des références. La France l'est devenue également, au moment où elle recueillait les fruits d'une forme de dictature suprématiste: l'expansion coloniale.

Le profit des joueurs arabes, antillais et maliens permit aux français abonnés à la défaite de palier à leurs manques physiques. Après la soumission (héritée par les nouveaux expatriés français du Calcio italien), l'autre aspect hérité des systèmes dictatoriaux fut en effet le culte du physique: la masse musculaire africaine fut cette option choisie par le pouvoir.

Pensez à quoi ressemblerait l'équipe nationale sans ce splendide athlète nommé Moussa Sissoko!

Ce lien entre football et dictature, s'explique d'autre part, par le fait que le football ne demande la présence sur le terrain que de peu d'imagination et d'esprit d'initiative. Un seul créateur, le 10, surnage. Les autres obéissent aux plans militaires du maître à penser, l'entraîneur-caporal chef.


Enfin, mais je l'ai déjà souligné, comme émanation fasciste, le football se dirige à l'imbécillité collective, au même titre que les corridas. Les gradins remplis d'une populace délétère, cherchant l'affrontement ou l'aboutissement d'un certain modèle de reproduction sociale dans la distraction, permettent par la même occasion d'offrir un emploi à l'ensemble de cette corporation délirante qui fait feu de tout bois: les journalistes sportifs, dont la plume semble à la mesure de cette abominable liesse.

Pour toutes ces raisons, si je me dirige avec circonspection vers les cercles de la culture, je n'ai pas de prédilection particulière pour les amateurs de ce sport,qui sont en général de sexe masculin et d'une culture grossière.

lundi 1 août 2016

Un Ciné-club






   Lucas et moi, avons monté un Ciné Club dans son appartement, avec deux invités de choix pour nos deux premières sessions : nos pauvres personnes. Le premier film, de très bonne facture, a été le choix de Lucas, qui n'a jamais eu de cesse de me dire qu'il s'agissait d'un peliculón, à savoir d'un grand film qu'il fallait me montrer au plus vite : L'exorciste. Film qui date de 1973 ! N'aurons-nous jamais assez souligné que cette date est au niveau cinématographique particulièrement importante. Amarcord et La nuit américaine ou Papillon naquirent en 73 ! Dans le film de Friedkin, ex-mari de Jeanne Moreau, j'ai cru noter l'influence de la Nouvelle Vague dans l'intérêt porté par le réalisateur aux menus détails du quotidien, et le scénario m'a semblé un travail digne d'intérêt. Nulle daube hollywoodienne à la vue cet après-midi-là, ni de peur distillée pour un public amateur d'émotions factices. Pas d'immondices tarantinesques ni scorcesiennes à la vue. Dans L'exorciste, l'attaque au puritanisme américain est édifiante, constante. La critique antipsychiatrique reste inscrite en filigrane également. Quant à la construction narrative, je fus saisi par la dernière scène, triangulaire, déconcertante car déliant en une chute vertigineuse tous les noeuds de la trame. Je n'ai pas trouvé meilleur dénouement depuis le développement des photos de l' Ascenseur pour l'échafaud, vu le mois dernier. Le curé qui appelle à lui le diable et se jette ensuite par la fenêtre m'a semblé une image puissante du sacrifice et de la résolution d'un problème majeur par delà bien et mal. 

   Le deuxième film, que j'ai moi-même choisi est Welcome to New York d'Abel Ferrara. Tourné en dix-huit jours, il traite de l'affaire DSK, sans plus de concessions à la morale publique. Dès les premières scènes, ce film vaguement pornographique se mue en une pièce shakespearienne. Au dernier MacBeth, si publicitaire et ponctué de séquences surjouées par une Marion Cotillard glaciale, Ferrara ajoute une mise en scène bricolée et tremblante, mais foncièrement juste. D'abord, Depardieu se fait sucer par quantité de prostituées voraces. Puis il organise des agapes orgiaques avec ses camarades du FMI dans des lugubres palaces. Les plans de caméra font penser à des screeners achetés sur des marchés de contrebande turcs. Ils nous montrent Depardieu geindre et grimacer, faire des blagues salaces à son gendre, se goinfrer au coin d'une table (oui, en ce cas, le rôle n'est pas forcément de composition). Welcome to New-York représente un voyage dans l'abjection qui exige une grande part de négligence. Un retour en Barbarie, pour reprendre l'expression chère à Eugène Green pour définir son lieu de naissance. Négligence formelle donc, pour ce film : le contraire eût été irrecevable.

 Jacqueline Bisset et Depardieu portent des dialogues souvent improvisés, mal accordés. Parfois il radotent et cela irrite un peu, convenons-en. Mais le reste n'est pas entièrement à jeter. Je transcris le monologue final de Dévereaux, ponctué d'un traveling montant sur un building, symbole de domination, dans la nuit newyorkaire. Le personnage principal vient d'engager un bref échange avec la nouvelle bonne hispanique. Depardieu parle en français, sur des images de manifestantes noires entrant dans une fourgonette :

  "Depuis mon enfance, mon esprit a été rincé, rincé par mes parents, par mes professeurs, mes supérieurs au travail. J'ai de la chance. Je ne suis pas chrétien. Mais j'aimerais dire ça : quand je mourrai, je viendrai embrasser le cul de Dieu pour toujours. J'ai trouvé mon Dieu. Toi. Mon premier Dieu, non, je ne l'ai pas trouvé à l'Église, mais dans une salle de classe: c'est l'Idéalisme. Quel Dieu magnifique ! Croire que tout irait bien. J'étais dans ce temple qu'est l'Université, d'abord comme étudiant, puis comme professeur, et je me suis laissé envelopper de cette lumière creuse, oui, la Justice. Nous devions redresser tous les torts. La faim dans le monde ? Non, tout le monde mangerait à sa faim. La pauvreté ? Un souvenir lointain dont l'existence serait difficile à même imaginer. La richesse serait distribuée, à chacun selon ses besoins. (...)"

  Inutile d'ajouter que Lucas a adoré ce film et trouvé qu'il formait, avec l'Exorciste, un dyptique cohérent sur le Mal et ses avatars. Nous organiseront prochainement d'autres sessions de Ciné-Club, des séances qui me rappeleront peut-être mes virées au cinéma Cujas ou sur la rue Mouffetard, dans des petites salles fréquentées par quelques irréductibles au coeur de froids après-midis d'automne. Un débat avec un public choisi, de préférence féminin, pour éviter les combats de coqs, serait souhaitable. Je lui ai proposé de continuer par un cycle de cinéma tchèque, des Petites Marguerites aux films d'animation de Jan Svankmajer.  

samedi 30 juillet 2016

Antitweet 78




Inexistant et invisible - Les réseaux sociaux constituent un échange de données innécessaires par essence, car les données nécessaires ne s'échangent pas au vu de tous et forment en soi un foyer peu commun, excluant le tiers agissant, lequel est majoritairement incapable du moindre effort. Or, de tous les abus, nul n'est plus fréquent que celui nourri par l'ambition vaine, que dénote la tendance à se présenter sous les étiquettes d'"écrivain", de "poète", quand bien même il n'y eût aucune oeuvre sur laquelle la vanité eût pu se reposer. Seules l'histoire et la publication d'ouvrages salués par des pairs compétents pourraient justifier de tels usages. L'époque qui nous a vu naître n'a jamais été avare en supercheries, et celle qui consiste à appeler à soi un talent et une notoriété par la manie de l'autodésignation, n'est pas la moins grossière. L'autorité virtuelle de l'écrivain sans écrits et celle du poète sans poèmes s'érige sur la réalité de l'inaccompli, la plus partagée entre toutes: mais le boulanger sans pain serait aussitôt raillé, comme le charpentier sans bois, alors que le non-publié, qui ne produit pas davantage, jouit d'un meilleur sort, traitant avec l'inexistant, que la masse confond volontiers avec l'invisible, et d'autres abstractions qui échappent à son entendement.



Lo inexistente y lo invisible - Las redes sociales constituyen un intercambio de datos innecesarios por esencia, pues los datos necesarios no se intercambian delante de todo el mundo, y forman un hogar poco común, excluyendo al tercero activo, el cual es mayoritariamente incapaz del más mínimo esfuerzo. Ahora bien, se ha de decir que de todos los abusos, ninguno es más frecuente que el derivado de la vana ambición, que se expresa con la tendencia de cada uno a presentarse bajo las etiquetas de "escritor", de "poeta", aunque no hubiera siquiera ninguna obra en la cual se pudiera reposar tal vanidad. Solo la historia y la publicación de libros reconocidos por unos colegas del oficio podría justificar tales usos. La época que nos vio nacer nunca ha sido escasa en imposturas, y la que consiste en inventarse un talento y una fama por medio de la auto-designación no es la menos grosera. La autoridad virtual del escritor sin escritos y del poeta sin poemas se erige sobre la realidad de lo incumplido, la más compartida entre todas. Pero si el panadero es victima de mofas, al igual que el carpintero sin madera, el no-publicado, que no produce más que estos, goza de una mejor suerte, ya que trata con lo inexistente, que la masa confunde con lo invisible, y con otras abstracciones que escapan totalmente a su juicio.

 Etienne Milena ©