dimanche 31 janvier 2016

Antitweet 27



Les seules remontrances qui font leur effet sur mon organisme, sont celles des aiguilles du cadran, toujours vivaces et, au fond, assez justes dans leur ritournelle.


Etienne Milena ©

Antitweet 26



Un malentendu édifiant : dès que les hommes convoquent la lucidité, c'est la fatuité qui accourt précipitamment. D'où l'attraction que peuvent exercer les non-lucides, du simple gourou aux animateurs de bas-quartiers. La lucidité ne peut guère s'exprimer longuement sans être aussitôt contredite par son éloquence. Ce qui favorise l'essor de son contraire dans la société, qui préfère les sectaires aux prétentieux.

Etienne Milena ©

mardi 26 janvier 2016

Un musée d'exception

Photo: Dominique Authier


     Comme j’ai pu m’échapper de ce petit travail complémentaire en début d’après-midi, j’ai bifurqué non loin du centre pour voir si B. se trouvait en sa demeure. Mon employeur, formé à l’américaine, c’est-à-dire redbullisé à outrance, m’avait tendu le paquet de prospectus de sa boutique de ferraille après moultes consignes.  « Tienes que hacer toda la manzana! » Manzana, mon cul ! Je ne suis pas facteur, me dis-je, son pâté de maisons attendra. Dès qu’il fut disparu, je me débarassai du paquet criard au container des cartons. Je regardais mon portable. Il me restait une bonne heure avant qu’il achève sa ronde.

    Au coin de la rue, se trouve le bel appartement de B.  C’est là que nous refaisons le monde, youtube à l’appui. Je sonnai. B. venait de se lever. Le ton de sa voix le trahissait. Je montai à l’étage.


     Il était en robe de chambre. Je lus sur le tissu l’inscription « I Love L.A. » en grosses lettres. Je ne savais pas que B. était si poilu, me dis-je. Drôle de voir que Desmond Morris nous surnomme les singes nus. Pendant qu’il préparait nos cafés, j’essayai de m’imaginer ce qui peut attirer un homme vers un autre. Je ne voyais vraiment pas. Au même moment, à travers la fenêtre, passait une de ces beautés piquantes de Castille, aux cheveux bruns ondulants et au corps généreux. Ses seins rebondissaient dans son corsage comme deux pamplemousses. Son joli minois me fit penser à la justesse de l’analyse de Desmond Morris : les femmes avaient évolué davantage au fil des millénaires. Elles composaient définitivement l’organisme le plus remarquable de notre sphère.



     Après cela, je demandai à B. de me montrer ses nouveaux projets.

       La corporation des architectes de la ville lui faisait des misères. Ils n’acceptaient pas l’originalité de ses inquiétudes. Le musée porcin qu’il avait déjà dressé grâce à son programme d’images de synthèse, n’avait pas convaincu ces fâcheux, petits-fils franquistes récalcitrants aux nouveaux horizons. La pensée provinciale est une offense à l’art. Comme en France, où le parisiannisme n’est jamais plus palpable que dans les campagnes. Que de cénacles ai-je vu jusque dans les pâturages de Bougneux-le-roy, dès qu’on subodore quelque talent littéraire! Dans les MJC et les centres culturels des villages excentrés, on sollersise comme on peu, avec les moyens du bord ! Monsieur le Maire divers droite, agriculteur aux idées larges, clame ses sonnets une fois par semaine devant sa poignée d’électeurs ébouriffés. Sa ferme devient la version buccolique de quelque bouge germano-pratin.

        Je rassurai mon ami en lui disant que son talent était intact. Pourquoi aurais-je menti ? L’édifice avait pris une belle tournure. Au premier étage, les différentes statues de vérats en céramique s’accommoderaient de la hauteur du toit, dont la charpente créait un effet pyramidal saisissant. Les vitres en verre, si amples, filtreraient la lumière qui ne manque jamais en Castille. Le deuxième étage, offrirait un parcours retraçant la fabrique de la pata negra, du premier gland jeté aux cochons à la viande séchée accrochée dans les arrières boutiques. B. avait prévu une version « kid », plus animée, avec Puercino, un petit cochon qui expliquerait sur des écrans les étapes de cette confection aux petits.

    Le troisième étage offrait une vue sur la ville, grâce à sa formidable terrasse (azotea). L’idée du siècle. Mais pourquoi fichtre mettre au même niveau la boutique de souvenirs et de pata negra? Il fallait placer cette dernière dès l’entrée. Ainsi, la boucle serait bouclée. Chacun viendrait acquérir un souvenir de l’aventure sous la forme de magnet’s ou même de tranches de porc salé. Un petit coin dégustation ne serait d’ailleurs pas malvenu, pour séduire les familles.

« Apunto! » (« Je note! ») me dit B., décidement enthousiaste à l’idée de partager ses trouvailles.

Je lui montre ensuite sur Internet plusieurs bâtiments qui me semblent splendides, comme l'église d'Astorga, point de chute du chemin de Saint-Jacques (depuis Mérida). Elle fut construite à l'automne du Moyen-Âge (pour reprendre l'expression de Johan Huizinga). L'or qui arriva par bâteaux entiers les décennies suivantes entraîna un florissement architectural sans précédent sur le sol ibérique. Cela donne à peu près cela, si l'on se place au versant occidental :



Ça en a de la gueule, n'est-ce pas ? Nous allons ensuite à Oran pour y voir la plus récente cathédrâle du Sacré-Choeur en style romano-byzantin. L'influence de l'antérieure y est perceptible peut-être dans les formes, mais avec une dose d'abstraction froide en plus, avec cet oeil big-brotherien qui vous électromagnétise à distance...





          Oui, un pont de plus de cinq siècles est ainsi construit... Nous googlisons, nous dérivons, nous surfons... Et nous finissons enfin par admirer l’édifice de Jacques-Coeur de Bourges dont je lui avais parlé. Quelle merveille! La même époque que Van Eyck. La même ébullition organique, trifulguée jusqu'au moindre détail. Il me fait savoir que mes goûts se dirigent vers l’architecture éclectique. Comme en littérature. Certains édifices de Tel-Aviv, non les coloniaux, mais les mélanges judéo-médiévaux hétéroclites laissent entrevoir la même folle curiosité, le même onirisme que la  sus-dite façade.

      Cet édifice me réconcilie totalement avec l’idée d’être Français. 

          Mais que fais-je? Voilà cinq minutes que mon vendeur doit rôder dans les parages, me cherchant desespérément. Je dis aurevoir à B. après avoir fini ma dernière tasse de café froid, je dévale les escaliers quatre à quatre et me retrouve dans la rue, nez-à-nez avec mon supérieur, distrait par son smartphone qu’il tient collé à son oreille, comme un pansement de fortune. Ce malheureux se plaint de mon absence d'engagement, mais il ne m'a pas vu sortir de l'édifice. Il n'aura pas à me gourmander sur mes écarts logistiques. Du reste, un autre pâté de maisons m’attend, vers lequel je m'engage en feignant un zêle un peu forcé.



lundi 25 janvier 2016

Antitweet 25



L'ignorance est télégénique, mais que dire de l'érudition, quand celle-ci se frotte à celle des autres ? Un loft rempli de gens de lettres finirait dans un bain de sang.

Etienne Milena ©

samedi 23 janvier 2016

Antitweet 24



L'humanité a vendu son sommeil à la technique.

Etienne Milena ©

Antitweet 23




Il y a quelque douceur dans le pathos d'une vie anonyme. On appelle ce dernier bastion des oubliés celui de "la liberté de ton". Ce prêchi-prêcha de l'ascète dans le désert, nu devant Dieu ou devant les foules, a ses vertus. La cinquième roue du carrosse n'est jamais utilisée.


Etienne Milena ©

jeudi 21 janvier 2016

Antitweet 22



À la joie que l'on éprouve à s'en libérer, on peut se demander si l'amour mérite tant de chansons, de poèmes et de livres.



Etienne Milena ©

Antitweet 21



Sans l'admiration, il ne reste de l'amour que l'habitude et la promiscuité.


Etienne Milena ©

mardi 19 janvier 2016

Antitweet 20



Dans l'art, le réalisme prétendit se défaire de la part fictive de l'existence. Puis vint le symbolisme, qui voulut écarter la réalité. Des fictions qu'il peine à construire, à la réalité qui ne l'intéresse plus, notre siècle ne sait plus de quoi se défaire, d'où sa sécheresse d'ensemble et ses tremblements.


Etienne Milena ©

lundi 18 janvier 2016

Antitweet 19


Les meilleurs sentiments se cultivent dans la distance.


Etienne Milena ©

dimanche 17 janvier 2016

Madurar

Photo E.M. le 17 janvier 2015


A veces me digo que en vez de hablar de literatura, debería leer más. Pero el libro no me libera de la muerte ni de la vida : si me escapo, es para re-encontrar en el instante, a este mismo personaje ficticio que da mucha lata y que olvida hasta su nombre. Creo que he llegado a la madurez, y no quiero festejarlo. En efecto, guardo en memoria las palabras de Xavier Rubert de Ventós y me digo : " El madurar es alcanzar su propia caricatura." (lo cito así pero creo que suena peor en el original).

Creo que empezamos a fabricar nuestra caricatura a los once años, cuando entramos en el colegio. C'est perdu à l'entrée au collège.

Feliz semana a los visitantes. Demasiado vago para traducir. Demandez à Google pour la traduction. Ask for Google to translate.

Bueno tampoco es tan importante como para traducirlo.

samedi 16 janvier 2016

Antitweet 18




Les amitiés qui ne demandent pas à être approfondies sont les plus durables.


Etienne Milena ©

vendredi 15 janvier 2016

Antitweet 17




L'ignorance n'est jamais très loin des bibliothèques. Elle trouve aussi des livres pour régner.




Etienne Milena ©

Antitweet 16



Le lieu commun est un territoire friable défendu par les rhéteurs. Le technicisme est la ligne Maginot du lieu commun.


Etienne Milena ©

Antitweet 15



La recherche de l'effet punit le style. Ce dernier est ce criminel en cavale, dont on ne connait ni les intentions, ni les revendications.


Etienne Milena ©

mardi 12 janvier 2016

Antitweet 14



L'internaute a raison de plébisciter religieusement l'instrument de destruction de son ennui vital et de son imagination politique : il n'a plus à gloser à l'infini sur l'injuste répartition des tâches dans le réel, puisqu'il est lui-même exploitant bénévole et employé béat de sa petite entreprise, lobbyiste de sa personne et de ses lubies intimes, jusqu'au clap de fin, où la réalité ne passe pas par quatre chemins pour se déclarer à lui dans ses formes les plus contraignantes.


Etienne Milena ©


lundi 11 janvier 2016

Antitweet 13




Le problème n'est pas que trop peu de gens lisent de la poésie, mais que beaucoup trop en écrivent sans en avoir jamais lu.

Etienne Milena ©

dimanche 10 janvier 2016

Antitweet 12



Parmi les adulateurs, les uns sont sincères, les autres non. Les premiers cherchent  à donner un sens à leurs existences, les autres à leurs carrières.

Etienne Milena ©

samedi 9 janvier 2016

Antitweet 11


Une partie du genre humain meuble son ennui, l'autre le creuse. Mais les creuseurs, s'ils s'en vantent, sont les plus à plaindre, car s'ils endossent le costume confortable de l'ennui, c'est pour faire partie du cercle privilégié des esprits fins, emplis jusqu'à la surface des choses de l'art. Les autres n'ont pas ce genre de prétention et dilapident le temps en toute tranquillité, sans souci d'être considérés pour ce qu'ils ne sont pas, dans un bureau ou dans un rayon de supermarché, où rien ne peut sauver toutes ces heures perdues, pas même l'ambition supérieure qui synchronise chacun de leurs mouvements.


Etienne Milena ©


jeudi 7 janvier 2016

mercredi 6 janvier 2016

Antitweet 9



Censure post-mortem - Iniquité de l'enterrement, où le principal intéressé n'a plus son mot à dire.


Etienne Milena ©

mardi 5 janvier 2016

Antitweet 8


Trouver un point de chute entre le fanatisme religieux et le dandysme préfabriqué, à la mesure du chaos.

Etienne Milena ©


Antitweet 7


L'orgueil est l'aliment des périodes de disette.



Etienne Milena ©

lundi 4 janvier 2016

Antitweet 6



Avec l'âge, pour rendre tout cela supportable, nos illusions vont augmentant.

Etienne Milena ©

Antitweet 5


S'agenouiller devant des dieux ou devant des hommes ? Faute de mieux, je choisis la prostration.

Etienne Milena ©

dimanche 3 janvier 2016

Antitweet 4



L'être humain a inventé le travail pour se débarrasser de lui-même, et les réseaux sociaux pour tenter des retrouvailles.

Etienne Milena ©

samedi 2 janvier 2016

Antitweet 3



De l'ambition à la gloire (laquelle est toujours relative), notre réalisation personnelle nous révèle notre platitude. Elle génère chez autrui l'esprit d'adulation, le mépris jaloux, ou plus communément, l'indifférence. Cela ne suffit pourtant pas à rendre un triomphe discret, et n'incite aucunement les gagnants à choisir l'ombre.


Etienne Milena ©

vendredi 1 janvier 2016

Antitweet 2

 


Les publications des réseaux sociaux, eûssent-elles toutes été dignes d'intérêt, ne libèreraient pas de l'angoisse du nivellement. Le trop plein de nullité et le trop plein d'excellence sont équivalents pour la rétine et l'esprit.


Etienne Milena ©