Dans la solitude de sa
chambre, Satie composait.
A ses vingt ans, il vécut à
Montmartre. Ses amis étaient Ravel, Debussy, Picasso. Il jouait du piano dans
les cafés. Les musiques orientales, découvertes lors de l’exposition
universelle de 1889, eurent une grande influence sur lui.
A trente ans, sans le sou, il
s’exila en banlieue, à Arcueil.
Comme un oiseau tapi au coin d’une
fenêtre, il attendait que l’hiver cesse. Au dégel, il tapait sur les gouttières
et les tuyauteries pour créer de nouveaux sons. On le croyait fou.
Les voisins le maudissaient.
Il fut l’unique hôte de son
église. L’automne surtout, il regardait tomber les feuilles. Il cherchait des
rythmes dans la nature qui pourraient nourrir son oeuvre.
Il se levait tôt et suivait un
horaire strict. Chaque repas, chaque note, devaient obéir à un plan défini. Il
distinguait chaque minute de l’existence, comme si les aiguilles de son horloge
étaient deux diapasons. Son regard était celui d’un orfèvre.
Il étudia très tard la
musicologie pour parfaire son art. Il haïssait l’esbroufe. Malgré son âge, il
fut un brillant étudiant, toujours soucieux de se perfectionner.
Il n’était pas romantique.
Mais l’argent ne l’intéressait pas. Un jour, une revue lui proposa une collaboration.
La somme qu’on devait le payer ne l'avait pas convaincu, il la jugeait excessive. Il
s’emporta.
Il n’aima qu’une seule femme,
la peintre Suzanne Valadon. Il l’appelait Biqui, il lui écrivait des poèmes.
Elle le laissa pour un banquier. Cet amour définitivement perdu lui fit écrire
les Vexations, qu’il recommanda de jouer 840 fois d’affilée à ses interprètes.
Son art s’éleva par cette
absence insurmontable. Il fit revivre Biqui par la musique. Il mourut
misérable, sans que ses amis ne se doutèrent de l’état calamiteux de ses
finances, car il ne reçevait jamais personne à Arcueil. Il laissa une oeuvre
qui elle, n’a jamais veilli, qui exprime l’anxiété et les désirs hésitants d’une
âme emplie de mélancolie, cloîtrée dans l’attente. Les mots ne suffisent pas à
rendre justice à la musique de Satie, et ce n’est pas une pirouette langagière,
ni un prétexte donné à la paresse que de le dire. Il faut s’emplir de ses
Gnossiennes jusqu’à satiété pour comprendre que les analyses seront toujours
insuffisantes et que ces notes qui tournoient au-dessus de nous comme des nuées
d’oiseaux sont là pour nous faire oublier le plat langage de la Communauté.
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