Hier, G. m'a
invité à un mosto. Pris de tremblements, il s'est mis à maugréer dans sa barbe des mots en basque, l'oeil torve, dodelinant du chef. Il m'a alors dit que Errejón et Iglesias se
trouvaient dans une phase délicate. Que cela tournait au vinaigre. Je lui ai dit que cela s'appelait le
bicéphalisme désaccordé et qu'il ne fallait rien attendre de bon de ces
tergiversations entre frères siamois fâchés. "Tu parles de notre amitié?", me demanda-t-il.
"Non, rétorquai-je, de Errejón et Iglesias. Ils ne font plus que se chamailler pour des broutilles". G. m'a alors encouragé à exprimer ouvertement mon avis.
Mon avis. Sur Podemos? Oui sur Podemos. Eh bien, politiquement, lui dis-je,
puisque l'avarice intellectuelle ne prête rien, hormis des intentions, je sais
qu'il ne sert à rien d'énoncer quoique ce soit, les autres s'arrangeant
toujours pour vous tailler le portrait d'une façon qui les arrange bien. Et
pour Podemos, je n'en pense rien de plus que la moyenne nationale. Selon
l'intellectuel Amoros, consultable sur le site de Stéphane Zagdanski, Podemos exprime
le cri d'alerte de la classe petite-bourgeoise en manque de pouvoir d'achat. Bertrand
Russell voyait dans certaines réactions face à l'injustice sociale les marques
de la plus déplorable envie. Pour ma part, j'ai toujours souhaité le meilleur pour tout le monde,
par pur égoïsme, puisque les gens réalisés sont souvent moins méchants que le
reste et représentent une menace moins forte pour l'équilibre général. Il y
aurait donc un compromis à trouver entre l'affaiblissement de notre empreinte
écologique globale et une compensation matérielle aux classes défavorisées, qui
devraient pouvoir, par exemple, après une année d'esclavage et de
divertissement, se nourrir correctement et partir en vacances un bon mois loin des
cités, suivant l'exemple de l'Infante Cristina et de son mari Urdangarin.
"Pourquoi ne pas exproprier pour quelques semaines les résidences secondaires
des classes dominantes, et offrir des vacances dignes de ce nom aux
plus désargentés, au ski ou affalés sur les plages comme tout un chacun ?", me demande-t-il d'une façon faussement naïve. "Mais cher G, tu sais comme moi que les prolétaires sont en
voie d'extinction. Cela ne marche plus. Délocalisés, atomisés, subjugués par la classe moyenne par laquelle ils ont fini par être absorbés depuis deux décennies. Les derniers ouvriers qui restent en Espagne, plus qu'en
France, sont d'ailleurs plutôt anti-communistes. Ils dédient le gros de leurs économies à suivre leurs équipes de branques jusqu'au Khazakstan. Les propos les plus durs que
j'ai pu entendre concernant ton parti, qui d'ailleurs n'est en rien communiste, furent exprimés par des banquiers
adipeux ou d'irréductibles prolétaires du pays, sur des chantiers aux abois. Je te rappelle que ceux qui plébiscitèrent Hitler en masse étaient issus des usines."
Enfin, je m'en
fus à mon doux chez-moi où m'attendait un cocido madrileño de primera. Doppo ho fatto un pisolino e ho letto un libro davvero interessante chiamato Asimetrias. I hardly know how to define the author who is more an essayist than a philosopher. To me, Salvador Paniker est incontestablement un auteur wirklich capital. L'auteur se définit comme un agnostique mystique, à la différence de son frère, Raimundo, moine débonnaire et érudit qui fut un intellectuel un temps membre de l'Opus Dei. L'oeuvre de Paniker est protéiforme, mais elle tisse sa trame à partir d'un Journal de bord de grand intérêt, d'une rare clarté de vue. Son style doit beaucoup à Josep Pla, un écrivain catalan qui eu une influence immense sur quantité d'écrivains et de philosophes hispaniques, tels que Rubert de Ventós, Luis Racionero (ami de Sollers et d'Aznar, cet ancien hyppie dévergondé a écrit de bien belles choses sur les philosophies orientales et un journal fort instructif sur notre époque). Le style de Pla est simple, sans aucune fioriture. L'auteur du Cuaderno Gris écrivait sur sa campagne environnante, sur son travail de journaliste ou sur ses lectures de l'Ulysse de Joyce. Paniker, lui, centre son propos sur les Upanishads, le Mahabarata (grand comme quinze bibles) la neuro-science. Il ne renie pas l'idée d'aider son lecteur, ce qui pourrait le faire condamner par tout un chacun et le hisser au rang des gourous déliquescents de notre temps. Mais ce serait se priver du plaisir de lire l'oeuvre d'un esprit lucide et fécond, que de l'écarter de sa bibliothèque pour si peu.