lundi 30 décembre 2019

Antitweet 149

  Le travail est le premier gage de la présence de la faculté à admirer. L'impuissance admire peu, et estime moins encore.

Etienne Milena ©

jeudi 26 décembre 2019

Antitweet 148



   De la folie -  La société considère comme "fou" l'individu ayant choisi d'interpréter une multitude de rôles auxquels se tenir au fil de ses journées, en une représentation permanente, insaisissable, et souvent involontaire. En revanche, cette même société juge parfaitement normale, la personne qui se sera contentée pour sa représentation d'un seul rôle durant toute son existence, souvent volontairement. L'être humain, préférant l'ordre des identités et des fonctions lisibles à la confusion des trésors inexploitables de la psyché, taxe donc de "fou", tout ce qui ne s'accorde pas à la gestion d'un rôle personnel unique, menace pour la symbiose collective.

Etienne Milena ©

vendredi 20 décembre 2019



     "Mon cher Usbek, quand je vois des hommes qui rampent sur un atome, c'est-à-dire la Terre, qui n'est qu'un point de l'Univers, se proposer directement pour modèles de la Providence, je ne sais comment accorder tant d'extravagance avec tant de petitesse."

                               Montesquieu, Les Lettres Persanes, LIX




samedi 7 décembre 2019

Entretien avec Joy Vilbourné


E.M. - Comment envisagez votre travail d'écriture ? 

J.V. - J'essaie de me blottir dans les interstices de la langue. Marguerite Duras aurait dit :"frôler les mots" pour réinventer la langue : "être sur la crête des mots", disait-elle. Depuis Cours toujours, Lise j'ai toujours eu cette idée d'une langue portée par son propre souffle, un souffle régulier, sans heurts. C'est ma manière à moi d'appréhender ce monde et sa violence monocorde.

E.M. - Dans Elle te parlera, vous savez pourtant varier les rythmes. Je pense à la partie consacrée aux pensées de Jules, l'enfant bègue.

J.V. - Oui. C'est la marginalité qui m'attire. Le tû. Le non-dit. Le traumatisme de l'enfant me sert d'assise, il me permet de développer mon écriture et ses perpétuelles ramifications. C'est le non-dit et le non-formulable qui est à l'origine de cette recherche de style. L'enfant-bègue, c'est un peu moi. Moi face à mes impossibilités. L'écriture est sans doute le dévoilement d'un secret, une formule à réagencer en permanence à l'aune de ses propres doutes. Mais ce dévoilement ne peut se réaliser sur une page. D'où la nécessité du roman et de ses 540 pages. Chaque chapitre est une tentative, une possibilité nouvelle de résoudre cette question de la difficulté de dire.

E.M. - Votre héroïne est inspirée d'une personne réelle ?

J.V. - Non. Dans le cas de Laura, il s'agit d'un personnage inventé. Sans doute inspiré de mes lectures. Petite, je savais Madame Bovary par coeur. Flaubert s'imposait à moi comme une figure tutélaire. Si Laura n'est pas comparable à l'héroïne de Flaubert (le rapport est inversé, c'est elle qui va au devant de ses peurs, et cherche à vérifier si son mari lui est infidèle), c'est peut-être dans son incapacité chronique à soutenir le réel. À le fuir. Elle te parlera est aussi un journal de la fuite.

E.M. - Il y a cet épisode très significatif du parc qui illustre cette fuite.

J.V. - Oui, Laura se rend compte, comme dans un mauvais rêve, que le réel lui échappe. Cette femme qu'elle croise lui signifie l'étendue de sa perte. Ce n'est pas son mari qu'elle perd, mais toute sa vie d'avant. Cela la trouble et l'émeut, mais Laura est une femme forte, dotée d'une forme d'abnégation. Je voulais écrire les atermoiements d'une femme de notre temps. 

E.M. - Pourtant, son mari revient à elle...

J.V. - Oui. Je cherche à éviter les écueils du sentiment trop clairement affiché. Ne pas penser pour le lecteur. Faire raffluer des émotions contenues dans l'écriture par la suggestion. Cela est fait pour jouer, (elle cherche ses mots)... Comme une corde, que l'on tend et détend à mesure que l'on avance. Comment Laura se reconstruit dans l'anéantissement qu'elle subit ? Il me semblait important de poser cette question à travers cette forme-là.

E.M. - Il y a Tony, ce chauffeur-routier qui lui redonne pourtant le goût à la vie...

J.V. - Vous parlez de l'éclaircissement soudain, malgré ses déroutes. Tony est sa bouée de sauvetage, une balise dans la nuit. J'ouvre les champs de possibles. J'aime que mes personnages soient confrontés à tout un éventail d'émotions contradictoires. Je veux que le lecteur se sente aussi démuni qu'eux, et aussi pacifié qu'eux lorsque ces mêmes personnages trouvent une issue heureuse à leurs quêtes.

E.M. - Au fond, comme l'écrivait Gonzague Saint-Alban dans Télérama, à propos de Cours Toujours, Lise : "Le divorce s'inscrit dans la quadrature de la quête des romans de Joy Vilbourné, ce thème propice à toutes les mélancolies, en même temps qu'à de possibles renaissances". Elle te parlera ne déroge donc pas à la règle.

J.V. - Oui. Mais la propre quête, plus que celle du personnage, est infinie. Et elle ne trouve pas d'autre réponse, sur la durée, que le silence irrévocable des actes. Marion Cotillard, qui incarnera Luce dans la version cinématographique de Cours toujours, Lise m'a dit un jour cette belle phrase. "Pour vous l'écriture est une façon de vous délester du poids de la vie." J'ai trouvé cette expression si juste que je l'ai mise en exergue de mon nouveau roman, Le labyrinthe en toi.



vendredi 6 décembre 2019

On l'attendait tous





     "Jeanne le vit. Le poursuivit. Mais comme à chaque fois, comme toutes les fois, elle ne put rien dire. Les mots restèrent sur sa langue. Silence. Vérités impossibles à lâcher. Elle ou une autre ? Il fallait qu'elle sache. Pour elle. Pour toutes celles qui avaient vécu ces quêtes en silence. Paul se tenait désormais à deux pas. Fort. Impénétrable. Vérifier enfin. Vérifier, malgré tous ces faux appels de la raison qui l'étouffait. Elle s'avança. Rien. Demi-tour. Une silhouette. Une femme. Élégante. Osseuse. Une rêverie dans un parc. Puis rien. Rien que la pluie battante et les phares désormais éteints d'une Opel Corsa dans la nuit. 
     Enfin, un premier cri.
     L'ombre d'un doute."

Joy Vilbourné, Elle te parlera, Ed. Titan, 28 euros

jeudi 5 décembre 2019

Antitweet 146


   La loterie sociale s'organise à l'intérieur du grand bassin aux pirhanas.

Etienne Milena ©

mardi 3 décembre 2019

Avec Corrado Alvaro



       "Pouvoir calmant et rassérénant du travail. C'est le remède à tous les remords, à toutes les ambitions hors de mesure, car l'homme, en travaillant, connaît ses limites et s'en contente. Il devient même plus généreux envers les autres, c'est-à-dire capable d'estime."

                                                            Corrado Alvaro, Presqu'une vie, Journal d'un écrivain