samedi 12 septembre 2015

La rentrée



Anonyme




La rentrée des classes est la seule qui vaille. On revoit ses amis, on étudie, on retrouve une certaine routine, une certaine discipline. Ces années-là nous manquent lorsque nous tombons dans le monde de l'adulterie, de l'inquiétude du salariat, des traites et des calculs mesquins. Tout cela m'invite à respecter le travail des professeurs. J'ai été un élève turbulent qui s'est adouci par l'action bienveillante de certains d'entre eux, lesquels n'avaient d'ailleurs rien à y gagner. De nombreux élèves furent sauvés par ces gens si fustigés, de l'exécrable joug des familles, de leur violence et de leur stupidité. L'école fut mon refuge. Le collège ma cour de récréation. Le lycée, l'espace de mes amourettes, presque toujours platoniques d'ailleurs (je me suis rattrapé plus tard à la fac).

Les professeurs nuls, il y en eut, comme dans chaque corporation. Médiocres et méchants, en perpétuelle carence d'imagination et d'empathie, ils se vengaient sur les élèves qui ne suivaient pas leurs pas. Les plus doués étaient leurs cibles privilégiées.

Ma professeur de mathématiques, lors de mon année de 4e, se plaisait à nous humilier. Elle nous disait que nous étions des ratés, ce que certains ont d'ailleurs cru. Nous, adolescents boutonneux peu inspirés par l'étude, branleurs compulsifs au physique souvent ingrat, n'avions pas besoin de cela. C'était il y a vingt ans.


Enfin, tout cela pour dire que mon esprit suit toujours ce temps scolaire, fait d'impulsions et de mille curiosités. Le temps social du travail sérieux sert à nous engloutir et nous ratatiner. "La médecine, cette merde" disait Céline. On peut extrapoler et dire que bien peu d'emplois ne nous aliènent pas et ne nous dessèchent pas prématurément. Il faudrait parfois prendre l'exemple des enfants. Ils sont mieux organisés et souvent plus cultivés que leurs parents: demandez à un adulte de vous parler de Roncevaux, il sèchera piteusement. Ce n'est d'ailleurs pas bien grave. En revanche, un élève de cours moyen sera plus perspicace, il vous répondra avec plaisir, après vous avoir montré son dernier chef d'oeuvre, car les dessins d'enfants sont ce qui se fait de mieux sur le marché de l'art contemporain. Il vous racontera également quels instruments dialoguent dans les Quatre saisons de Vivaldi, comment séparer le grain de l'ivraie après la récolte, comment distinguer les champignons comestibles des vénéneux, tandis que Papa et Maman, eux, parlent de leur nouveau parquet flottant, de la nouvelle voiture des voisins, ou éructent  sur Joséphine Ange gardien, et d'autres nains à leur portée.

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